La consommation chez les jeunes

Entre 2000 et 2019, le pourcentage de jeunes Québécois du secondaire ayant consommé de l’alcool dans la dernière année est passé de 71,3 % à 53,2 %, une nette diminution ! Parmi tous les jeunes, le taux de ceux qui ont bu au moins cinq consommations d’alcool en une occasion est passé de 45,6 % à 32,2 % pendant la même période1. 

Toutefois, quand on regarde seulement les jeunes qui boivent de l’alcool, on remarque que la proportion de ceux qui boivent de façon excessive reste à peu près la même, passant seulement de 64 % à 61 %. Ainsi, il s’avère que les jeunes qui boivent de l’alcool sont toujours autant à risque d’en abuser. De plus, on remarque que les habitudes de consommation des adolescents se distinguent de celles des adultes à plusieurs niveaux. Bien que les jeunes aient tendance à boire moins fréquemment, ils boivent des quantités généralement excessives à chaque occasion. 

Pendant l’adolescence, on sait que les amis jouent un rôle important dans le développement de l’identité et de nouveaux comportements. Souvent par souci d’inclusion au groupe, la perception que l’on a de ce que les amis font peut aussi jouer un rôle important sur ses propres comportements. Par exemple, le simple fait de penser que ses amis consomment de l’alcool quintuple presque la probabilité d’avoir consommé de l’alcool dans les 30 derniers jours ou de s‘être retrouvé en état d’ébriété. Le risque de boire excessivement lors d’une occasion donnée est aussi presque six fois plus grand2. 

Le contexte de consommation

Dans une société où plus de la moitié de la population consomme de l’alcool, même chez les adolescents, il va de soi que les occasions d’en consommer apparaîtront inévitablement au cours du développement des jeunes adolescents. Les études1 nous montrent qu’il existe des contextes de consommation qui seraient moins nocifs que d’autres. 

D’abord, on remarque que lorsque les jeunes ont l’habitude de boire de l’alcool avec leurs amis, ils ont environ 2,5 fois plus de risque de s’être retrouvés en état d’ébriété ou d’avoir bu excessivement lors d’une occasion donnée. À l’inverse, ce même risque est presque coupé par trois lorsque la consommation d’alcool se fait habituellement avec les parents.

En ce qui concerne certaines conséquences d’une consommation d’alcool, comme manquer l’école ou oublier ce qui s’est passé lors d’une soirée, le même portrait se dresse : le risque est un peu plus que doublé lorsque la consommation se fait avec des amis, alors qu’il est coupé par un peu plus de la moitié lorsque la consommation se fait avec les parents.

Mais attention, on parle ici spécifiquement du contexte de consommation, c’est-à-dire “avec qui” l’on consomme, plutôt que de “qui fournit” l’alcool. Bien que le risque de se retrouver en état d’ébriété diminue quand un jeune organise une fête avec de l’alcool sous la supervision de ses propres parents, c’est une tout autre histoire quand l’alcool est fourni par d’autres adultes, car les jeunes se retrouvent alors plus à risque de consommer de façon excessive.

L’impact sur le cerveau des jeunes

Le cerveau continue à se développer jusqu’à l’âge de 25 ans environ. Le tout se fait région par région et se termine avec les régions frontales. Ces dernières sont principalement impliquées dans ce qu’on appelle les fonctions exécutives, soit l’ensemble des capacités nécessaires à la planification, à la gestion de l’impulsivité ou de l’attention.

Ces régions du cerveau étant encore fragiles chez les adolescents, on observe un déclin plus rapide de la matière grise dans celles-ci chez les jeunes qui boivent de l’alcool de façon excessive3, et ce, peu importe la consommation concomitante de cannabis. Ces perturbations développementales seraient encore plus prononcées chez les plus jeunes et dans deux régions précises du cerveau : certaines régions frontales, les principales responsables des fonctions exécutives, et certaines régions temporales, responsables du bon fonctionnement de la mémoire4.

De plus, le développement de la matière blanche du cerveau, qui correspond au réseau complexe assurant la bonne communication entre ses différentes régions, est aussi affecté par la consommation excessive d’alcool pendant l’adolescence, et ce, de façon proportionnelle à la fréquence de consommation d’alcool5. Ainsi, certaines tâches complexes nécessitant une bonne coordination entre plusieurs régions du cerveau pourraient être significativement affectées.

Toutefois, il se pourrait que les conséquences négatives au niveau du fonctionnement de ces régions ne se fassent pas ressentir immédiatement après quelques épisodes de consommation excessive. Il y aurait des indications voulant qu’une consommation excessive d’alcool pendant l’adolescence doive avoir duré au moins deux ans pour que des effets notables sur la performance soient détectables6.

En conclusion, les mêmes habiletés qui pourraient servir à limiter sa consommation d’alcool ne sont pas complètement développées chez les adolescents. Malencontreusement, ces mêmes régions du cerveau se trouvent d’autant plus affectées par la consommation excessive d’alcool, exacerbant ainsi les difficultés au niveau de diverses fonctions exécutives, essentielles à la transition vers la vie d’adulte.

Repères pour encadrer la consommation d’alcool de vos ados

  1. Comme l’alcool nuit au développement de leur cerveau, les jeunes devraient retarder le plus possible l’âge de leur première consommation.
  2. Étant les premiers modèles de consommation d’alcool pour leurs jeunes, les parents doivent veiller tôt à consommer modérément et de façon responsable devant eux.
  3. Les parents devraient expliquer à leurs enfants les raisons pour lesquelles ils imposent des conditions et des restrictions à la consommation d’alcool de ces derniers.
  4. En convenant conjointement avec nos jeunes des règles entourant leur consommation d’alcool, ceux-ci ont plus de chance d’y adhérer.

Références complètes

[1] Institut de la statistique du Québec (2013, 2019), Enquête québécoise sur le tabac, l’alcool, la drogue et le jeu chez les élèves du secondaire

[2] Song, E. Y., Smiler, A. P., Wagoner, K. G., & Wolfson, M. (2012). Everyone says it’s ok: adolescents’ perceptions of peer, parent, and community alcohol norms, alcohol consumption, and alcohol-related consequences. Substance use & misuse, 47(1), 86-98.

[3] Squeglia, L. M., Tapert, S. F., Sullivan, E. V., Jacobus, J., Meloy, M. J., Rohlfing, T., & Pfefferbaum, A. (2015). Brain development in heavy-drinking adolescents. American journal of psychiatry, 172(6), 531-542

[4] Pfefferbaum, A., Kwon, D., Brumback, T., Thompson, W. K., Cummins, K., Tapert, S. F., … & Sullivan, E. V. (2018). Altered brain developmental trajectories in adolescents after initiating drinking. American journal of psychiatry, 175(4), 370-380.

[5] Infante, M. A., Zhang, Y., Brumback, T., Brown, S. A., Colrain, I. M., Baker, F. C., … & Thompson, W. K. (2021). Adolescent Binge Drinking is Associated with Accelerated Decline of Gray Matter Volume. bioRxiv.

[6] Zhao, Q., Sullivan, E. V., Honnorat, N., Adeli, E., Podhajsky, S., De Bellis, M. D., … & Pohl, K. M. (2021). Association of heavy drinking with deviant fiber tract development in frontal brain systems in adolescents. JAMA psychiatry, 78(4), 407-415.

[7] Tapert, S. F., Brown, G. G., Kindermann, S. S., Cheung, E. H., Frank, L. R., & Brown, S. A. (2001). fMRI measurement of brain dysfunction in alcohol‐dependent young women. Alcoholism: Clinical and Experimental Research, 25(2), 236-245

[8] Tapert, S. F., Schweinsburg, A. D., Barlett, V. C., Brown, S. A., Frank, L. R., Brown, G. G., & Meloy, M. J. (2004). Blood oxygen level dependent response and spatial working memory in adolescents with alcohol use disorders. Alcoholism: Clinical and Experimental Research, 28(10), 1577-1586.